Hôtel Vauban
En 1961 et 1962 Bosc fît de l'hôtel Vauban à Briançon sa résidence principale.
Il y resta 9 mois en 1961 et c'est l'adresse que nous retrouvons sur son permis de conduire et sur sa carte d'identité.
Voici la lettre qu'André Sémiond, neveu du gérant de l'époque, nous envoie ce 28 février 2013 :
Nous avions toujours pensé que lorsque Bosc était en repos dans des résidences il ne travaillait pas, mais André se souvient
très bien de Bosc descendant à la réception de l'hôtel et alignant des dessins sous les yeux du personnel :
"Que pensez vous de celui-là ? et ça, ça vous plaît ?" et tout le monde donnait son avis.
La lettre ci-dessus nous apprend que Bosc a passé son permis de conduire en 1961 à 37 ans, alors qu'en 1945 il conduisait
un gros camion-radio en Indochine; on apprend aussi que c'est à Briançon qu'il a acheté sa Floride blanche qui ne le quitta plus.
Dominique Essik (née Sebbah) se souvient de sa rencontre avec Bosc à Briançon pendant l'été 1961 :
"Bosc
était en accord avec sa Floride blanche. C'est au volant de celle-ci,
ouverte sur le ciel, élégante et longiligne, que je l'ai rencontré,
dans une ruelle à l'orée de la citadelle de Briançon,
il y a plus de cinquante ans maintenant.
Il
s'est arrêté, tout simplement, au détour de son chemin
et du mien, le bras nonchalamment adossé à la portière
de sa " Flo" décapotée. Nous étions, Sylviane
et moi, en fin d'après-midi, assises sur un parapet, à guetter
l'aventure, pour tromper l'ennui et l'uniformité de notre séjour
à la maison de repos de Briançon.
Il
s'est arrêté, avec un air gêné, ou plutôt
comme gêné, et nous avons entretenu pendant quelques minutes,
où nous bloquions toute la ruelle, une conversation laconique, presque
surréaliste.
Je le revis le lendemain, il nous avait donné rendez-vous, mais seulement
à l'une de nous, au choix... ! - sous le prétexte d'une seule
place passager. Sous ces dehors réservés et détachés,
il ne manquait pas d'assurance, d'autorité, et de décision personnelle
très arrêtée.
C'était en 1961.J'avais vingt ans. Il avait quinze ans de plus que
moi, ou davantage.
Quelques rencontres privilégiées s'ensuivirent. Toujours en
fin d'après-midi, - permissions de la Maison de repos oblige... -,
et sans doute pour lui, afin d'éviter le gros de la chaleur et du soleil.
C'était l'été, pendant les vacances scolaires que la
sécurité Sociale m'avait sciemment offerte ...
Mes
souvenirs sont assez flous, mais mes impressions toujours très nettes.
Nous nous sommes promenés près de son hôtel, l'Hôtel
Vauban, où coulait une rivière, ( une rivière ? ) ; Jean
Bosc emportait sa radio, et nous nous allongions dans l'herbe, au bord de
l'eau, presque sagement, avant l'heure de rentrer pour moi, pour le repas
de la Maison de repos.
Il m'a dit, à propos de Vauban, toujours avec son air malicieux sur
un fond triste : " un jour un élève a répondu dans
une dissertation à propos de Vauban - Que savez-vous de Vauban ? -,
ils sont en bois etc...
En cet été 1961, il portait un pull noir, malgré la chaleur.
Il portait sa maigreur, comme un charme, une élégance, une séduction.
Dans une boutique de l'une des gargouilles de la ville, il a tenu à
m'offrir un pull, à côtes, bleu-ciel, que j'ai gardé très
longtemps, d'autant qu'il l'avait lui-même porté, à même
sa peau, pendant quelques jours, l'ayant échangé avec moi, à
sa demande, pour quelque temps - proposition imposée. Puis ne voulant
plus me le rendre, et prétendant me laisser le noir !, sous le prétexte
que le bleu lui allait mieux à lui et le noir à moi ! Le pull
noir avait beau recéler sa présence aussi, j'ai tenu à
récupérer le bleu-ciel qu'il m'avait offert. Pourquoi me l'avait-il
offert ?, sans doute parce qu'il me trouvait trop mal habillée (?).
En tout cas, malgré la chaleur, je l'ai revêtu comme un talisman,
un cadeau sans prix, un lien, un signe d'attachement.
Je suis allée en sa compagnie dans sa chambre d'hôtel, par une
porte dérobée. Je n'ai aucun souvenir précis de celle-ci.
Mais j'ai gardé une vision nette de la table du restaurant, qu'il a
tenu à me montrer, et sur laquelle il dînait, avec ses médicaments
déjà préparés sur les injonctions de la Direction,
sur le coin d'une nappe, près d'une fenêtre ou une baie vitrée,
si ma mémoire est bonne et fidèle.
( Comme lui, quelques années plus tard, j'ai tenu à vivre dans
un hôtel, l'Hôtel du Dragon, 36 rue du dragon, dans le 6ème
arrondissement de Paris. Par choix, comme lui. Pendant trois ans. Et j'y ai
reçu ses lettres, fidèlement, dans la durée.)
De sa rencontre à Briançon, tout me paraissait irréel,
un vrai conte de fée, un éblouissement. Lui, journaliste - comme
il disait -, la différence d'âge, sa situation financière
apparemment bien plus aisée que la mienne.Son ascendant était
un facteur de charme supplémentaire, pour la jeune créature
que j'étais, inexpérimentée mais néanmoins effrontée,
ignorante de la chair, mais prétendant bien m'en approcher. C'était
bien sûr pour moi, comme un rêve d'amour, un miracle, une chance,
le monde magique d'une héroïne de roman.
Quad j'ai dû quitter Briançon, à la fin de mon séjour
autorisé en Maison de Repos, Jean a accepté de m'écrire
en poste restante, à mon heureux et grand étonnement. J'étais
chez mes parents, mineure en cette époque où la majorité
ne commençait qu'après vingt et un ans, et mon père qui
ne permettait rien à mes trois soeurs et moi, n'aurait pas manqué
de faire un drame ; - " il va te tuer s'il trouve les lettres dans la
boîte aux lettres...", comme disait ma mère.
Jean m'a écrit, depuis Briançon, et d'ailleurs, pendant très
longtemps. Je n'en revenais pas, littéralement. J'attendais avec impatience
ses lettres, je les guettais, à la poste restante près de la
rue et l'Institut Serpente, dans le sixième arrondissement de Paris,
où je passais tous les jours, alors que je me rendais à La Sorbonne,
pour mes études en licence de philosophie.
Voilà ma vie rêvée de Bosc. Je croyais au prince charmant.
Il le fut. D'une certaine manière. Avec sa simplicité, il m'a
accueillie dans son aura, il m'a acceptée comme j'étais, quand
il me fredonnait :ma môme à moi, c'est pas une starlette, elle
porte pas des lunettes de soleil... comme dans la chanson.
Il me reste oui, un souvenir ébloui, un émerveillement, l'apparition
de cet homme, dans les rues de Briançon. Comme un conte de fée,
un vécu inespéré, romanesque, un idéal d'espoir
et de jeunesse accomplis."
Dominique Essik
Ci-dessous, une carte postale de l'hôtel Vauban envoyée le 29 juillet 1961 :
En 1962 Bosc écrit à sa mère qu'il "dessine sérieusement" :