Sempé et Bosc étaient très liés à cette époque, ils couraient les éditeurs ensemble à la recherche d'éventuelles publications et se retrouvaient assez souvent lorsque Bosc habitait Paris.

Cette lettre de Sempé dit :

"Cher Bosc,  Mais si ! j'aime beaucoup tes albums, imbécile !.

J'ai demandé à l'Express qu'ils en parlent ...     

 ...Ils avaient aussi promis de parler du mien, mais ...

La bise;    à bientôt j'espère.    J.J.Sempé

 

Dimanche 12 juillet 70   

 

Mon cher Bosc ,

 

         Je suis bien content d'avoir enfin reçu de tes nouvelles.

        Je viendrai te voir dans le midi (je dois y descendre, mais je ne sais exactement quand, car comme tu l'as deviné je suis effectivement en train de faire un album qui me donne bien du souci ...)

       A propos d'album il me revient à l'esprit (et quel esprit, messeigneurs!) une bien savoureuse anecdote, mon cochon. Je vais vous la narrer.

      Un ami à moi est entré avec moi dans une librairie, aux sports d'hiver. Et regardant avec envie un de mes bouquins me dit "je ne l'ai pas celui-Là." Comme j'habitais chez lui j'ai senti que je devais faire un geste mais je suis incapable d'acheter un de mes bouquins, je préfère me faire cracher à la gueule ou traiter de radin. Avec une grande délicatesse je demandais ton bouquin "Je t'aime" le payai et l'offris à mon ami.

      Voila - t - y pas que ce con - là, une fois installé chez lui avec ton bouquin pousse parfois des exclamations dans le genre de " formidable! " et " Oh la la je ne le connaissais pas celui - là, viens voir! " etc. ...

      Satisfait que mon cadeau lui plaise autant, je renchérissais .

      Quand des gens venaient lui rendre visite, ils regardaient ton bouquin qui était sur la table. mêmes exclamations .

      J'aboyais avec les loups .

      Quels vertiges nous prennent quand on se penche sur les vides insondables de l'âme humaine, mes aîeux! ...

      Voila - t - y pas qu'un jour revenant d'une promenade à ski au cours de laquelle je m'étais couvert de gloire auprès de plus faibles que moi, je m'arrètai à la librairie, achetai mon album à 32 Frs ( alors que je peux m'en procurer à 30 % de réduction chez mon éditeur ) et l'apportai chez mon ami qui me dit ça tombe bien, on va diner chez les machins ce soir tu leur apporteras ton bouquin.

      Cette histoire est authentique.

      Quand on se regarde de haut on est bien petit et quand on louche sur le copain on le voit gros comme une vache.

      Soigne toi mon cher Bosc.

      Je pense bien souvent à toi et à tes dessins . Retape - toi pour en faire d'autres, car vraiment je les aime beaucoup. je t'achète ou t'échange le type qui réfléchit dans un fauteuil qui se lève brusquement et qui se rassiet dans un autre fauteuil.

      Tu en as fait de formidables mon cochon . Tu en feras d'autres qui m'enchanteront et me feront râler d'envie en même temps et c'est très bien comme ça .

Je t'embrasse

A bientôt

Jean Jacques  

Sempé  

 

Ci-dessous vous trouverez les livres dédicacés que Sempé n'oubliait jamais d'envoyer à Bosc :

 

 

Ci-dessus, un livre édité chez Diogenes Verlag à Zürich en 1959. Bosc y avait édité son deuxième album en 1957 et avait introduit Sempé chez cet éditeur.

Sempé ne sera édité en France qu'en 1962; les grands humoristes français semblent avoir tous fait leurs débuts Outre-Rhin!

La dédicace dit : Pour Bosc, Avec mes plus grands respects et mon admirative sincérité, pour sa déroutante inconstance nuancée de dilletantisme (il doit y avoir une faute) dans l'oeuvre, aussi bien que dans l'homme qui se ressemblent pour former dans le firmament de l'Humour mondial une toile de fond sur laquelle s'inscrit l'inscription qui fait se pâmer les adeptes de cet art qu'il illustre par se seule renommée malgré les embûches de cette longue marche hésitante qu'est l'existence (quand on réfléchit bien)

 

 

Ci-dessus, mars 1965 et ci-dessous un livre de septembre 1967 dédicacé pour la nouvelle année :

 

 

A gauche, la dédicace dans "Marcellin

Caillou", édité chez Denoël en 1969.

Cette année là, Bosc était en clinique

à Nice pendant plusieurs mois, et les

docteurs lui infligeaient des électro-chocs.

 

 

 

 

Ci-contre, la dernière dédicace de Sempé

pour Bosc dans "Face à Face" ,

édité chez Denoël en octobre 1972.